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La peinture de Maude Maris est irrésistiblement lisse ; ses formes, on dirait qu’elle les a poncées avant de les lustrer avec une peau de chamois. Mais le geste laminaire de Maude Maris n’est pas mécanique, il ne fait pas disparaître l’infime grain de talc qui recouvre la plupart des objets qu’occupent ses compositions. Procédé mystérieux, qui donne de sa peinture l’impression d’être enfermée derrière une vitre éclairée, embuée par un écart de température.

Derrière, l’image n’est que formes adoucies, pâles, mordues et découpées par un curieux processus qui semble être l’inverse de l’usure, quelque chose ayant maille à partir avec le givre et la gravitation. Agencés dans des espaces clos, au sol, et parfois le long de murs et de parois, certains de ces objets sont clairement minéraux, d’autres encore sont synthétiques. Catégories auxquelles s’ajoute une dernière, improbable, et qui pourrait être de la famille des flans industriels à démouler. Le silence qui englobe cet espace est à mettre en relation avec l’impeccable propreté qui y règne. La poussière a tellement été faite, le propre et le brillant partout passés, que plus rien ne reste pour perturber la justesse de ces éléments dont la vie imperturbable ne se préoccupe pas de leur beauté. Similaire à celle de ces espèces animales, dernières représentantes d’une branche éteinte depuis longtemps, ils la tiennent de trop longue date pour qu’il soit nécessaire de l’expliquer ou de la démontrer.

Face à cette peinture, on se croit dans un laboratoire de physique, en présence d’une expérience culinaire très lente, en cours depuis des siècles, et que plus personne ne saurait vraiment expliquer, ni pourquoi elle a été commencée, ni comment l’arrêter. La seule chose possible est de regarder le vide se créer entre les formes, relever les nuances qui apparaissent entre elles, choisir sa préférée, comme on choisit un ballon de baudruche dans une fête foraine, sans comprendre que ce qu’il renferme conditionne, au choix, son échappée ou sa disparition.

Exposition Maude Maris à la Galerie Isabelle Gounod à Paris, du 9 novembre au 21 décembre 2013