« En l’image le monde »
Dans le travail de Maude Maris, une part importante est faite aux intérieurs, intérieurs aux volumes géométriques simples, tout à fait cohérents du point de vue de l’illusion perspective mais néanmoins tout à fait irréalistes dans leur simplicité même, dans leur abstraction d’images trop parfaites. Tout est évacué de ce qui pourrait faire réalisme, traces de vie ou du temps, pour ne laisser à voir que des enveloppes, des lieux virtuels, abstraits de toute géographie, semblables à ces architectures mentales que les orateurs antiques se construisaient pour y loger le chemin d’un discours. Ce sont des boîtes, des contenants. Le support physique de la toile, espace premier de projection, est donc doublé d’un espace figuré dans lequel peuvent se blottir d’autres illusions encore : des formes lisses ou plutôt des contre-formes évoquant quelque moule industriel, bateau, coque, piscine saisis comme des énigmes surréalistes. Moules mâlics ou machines célibataires comme chez Duchamp » en aspect d’attente » ? Cubes ouverts devant nous, mais si serrés qu’ils semblent devoir se refermer sur eux-mêmes comme les scènes de prédelles de Fra Angelico dissimulant dans leur éloquence, leur clarté de rigoureux mystères. Mais tout regard, par le point de vue, le cadre qu’il impose n’est-il pas une boîte ? Tout se passe comme si au détour d’un angle de notre subconscient surgissait un de ces morceaux du monde digéré par la pensée, encore tout luisant de sucs, entreposé là au fin fond d’une architecture inimaginable comme un tombeau de pharaon. Ainsi, le projet s’apparente quelque peu à une figuration de la pensée ; pensée hantée par les images extrapolées du monde visible.