Seer and Seen, Praz-Delavallade, Paris, 2023, by Robert Wiesenberger

Seer and Seen

18 November 2023 – 6 January 2024

The animals who oat through the dreamy atmospheres of Maude Maris’s new paintings are mainly ones she knows from around her studio in Normandy: a cat, a bat, and a snail are among them. Each seems endowed with a magic whose properties we can’t know, as
if at the center of a creation myth just unfolding. The cat, viewed from above, rests on a blanket of night sky, stars arrayed before it like playthings. The bat hangs before a brushy eld of blue, joined only by a disc of moon. And the snail glides through an overcast sky, the barest suggestion of land beneath. Our vantage on each of the animals disorients; we may not be their intended audience.

These paintings differ considerably from the artist’s last body of work. In those paintings, Maris followed an elaborate process of translation: She would start by casting small, found gurines, especially of animals, in plaster. She would then pose, photograph, and depict the plaster forms on canvas, enlarging them to monumental scale. This series of translations lent the original objects an apparently ancient power and the juxtaposition of one or more of them suggested mute conversation. Maris painted the animals, seemingly hewn from white marble, in cool, iridescent gradients, as if pulled from a liquid crystal display.

Working from her studio in Normandy, Maris recently chose to follow a freer, more painterly approach, liberated from her sculptural models. The animals, too, seem liberated from their obdurate objecthood. Yet they still possess a coldness, a distance, a silence. I was introduced to Maris through another artist, the late Lin May Saeed (1973–2023),
a German-Iraqi sculptor who devoted her career to solidarity with nonhuman animals. Saeed understood that animals had language, whether or not we understand it, but thematized their silence and strangeness out of respect. Against the weight of western art history, she believed that animals are subjects and not objects. Maris’s animal paintings, past and present, explore similar themes — how we attempt to fashion and x the nonhuman creatures around us, with whom
we may share a deep but con icted intimacy, and how they resist or break free of such constraints.

In 1970, critic John Berger famously posed the question “Why Look at Animals?” Humans have a deep history of interspecies kinship,
he observed, from which they departed only recently: “To suppose that animals rst entered the human imagination as meat or leather or horn is to project a 19th century attitude backwards across the millennia. Animals rst entered the imagination as messengers and promises.” Yet the animal’s “lack of common language, its silence,” Berger writes, “guarantees its distance, its distinctness, its exclusion, from and of man.” It is no coincidence for him that zoos, the places one might go to engage with the nonhuman, emerged at exactly the time that animals receded from everyday life under industrialized capitalism. Yet the zoo, Berger writes, “cannot but disappoint.” This is so because “you are looking at something that has been rendered absolutely marginal…. The space which they inhabit is arti cial.”

In Maris’s paintings, with their brushy atmospheres, animals occupy an abstract, arti cial space. Yet they are not marginal, or at least no more than us. The forces Berger described over a half century ago have only continued to alienate and obviate humans, to mediate and monetize our experience of the world. Both labor and leisure time, for many, is spent on screens. In the arti cial space of the internet, no content type wins more clicks than the animal video. “Should we be embarrassed to watch animals on Instagram?,” Maude asked me. Are they a nostalgic, even primordial comfort blanket, as we navigate our own alienation? Perhaps, but painting might be as well. And I’d no sooner give it up.

Robert Wiesenberger

Robert Wiesenberger is curator of contemporary projects at the Clark Art Institute and lecturer in the Williams Graduate Program in the History of Art. His interests span modern and contemporary art, design, and architecture. From 2013–18, he was critic at the Yale School of Art, and from 2014–16, he was a curatorial fellow at the Harvard Art Museums. He holds a B.A. in history and German from the University of Chicago and a Ph.D. in art history from Columbia University.

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Seer and Seen

18 novembre 2023 – 6 janvier 2024

Les animaux qui flottent dans l’ambiance onirique des nouvelles peintures de Maude Maris sont principalement ceux qui peuplent
les alentours de son atelier en Normandie: parmi eux un chat, une chauve-souris, un escargot. Chacun d’entre eux semble doté d’un caractère magique aux propriétés inaccessibles, comme s’il évoluait au centre d’un mythe de la création en plein développement. Le
chat, vu du dessus, est allongé sur une couverture où se dévoile le ciel nocturne, les étoiles sont disposées devant lui, semblables à des jouets. La chauve-souris est suspendue devant un champ d’un bleu brossé, accompagné seulement d’un croissant de lune. L’escargot glisse, lui, à travers un ciel couvert, ne laissant entrevoir qu’une in me partie de terre. En regardant chacun de ces animaux, nous sommes désorientés ; il se peut que nous ne soyons pas le public visé.

Ces toiles diffèrent considérablement du dernier ensemble de l’artiste. Initialement, Maude Maris suivait un processus de transposition élaboré : elle commençait par mouler en plâtre de petites gurines– en particulier des animaux – trouvées. Puis, elle disposait les moulages, les photographiait et les représentait sur la toile, non

sans les avoir au préalable agrandies à une échelle monumentale. Cette série de translations conférait aux objets originaux un pouvoir apparemment ancien et la juxtaposition de l’un ou de plusieurs d’entre eux suggérait une conversation silencieuse. Maris peignait les animaux, qui semblaient alors taillés dans du marbre blanc, dans des tonalités froides et irisées, comme extraits d’un écran à cristaux liquides.

Depuis son atelier en Normandie, Maude Maris a récemment choisi d’adopter une approche plus libre, plus incarnée, libérée de ses modèles sculpturaux. Les animaux semblent, eux aussi, libérés de leur statut d’objet rigide. Et pourtant ils possèdent encore une froideur, une distance, un silence. J’ai découvert Maris via une autre artiste, Lin May Saeed (1973-2023), une sculptrice germano-iraquienne qui a consacré sa carrière à la solidarité envers les animaux non-humains. Saeed avait compris que les animaux étaient dotés d’un langage, que nous le comprenions ou non, mais elle représentait leur silence et leur étrangeté par respect envers eux. À contre-courant de l’histoire de l’art occidental, Lin May Saeed considérait les animaux comme des sujets et non des objets. Qu’elles soient anciennes ou actuelles, les peintures d’animaux de Maude Maris explorent des thèmes similaires : la manière dont nous tentons de façonner les créatures non humaines qui nous entourent, créatures avec lesquelles nous pouvons partager une intimité profonde mais con ictuelle, et la manière dont elles résistent à ces contraintes ou s’en libèrent.

En 1970, le critique d’art John Berger posait cette célèbre question « Pourquoi regarder les animaux ? ». Selon lui, les humains entretiennent une longue histoire de parenté entre espèces, dont ils ne se sont éloignés que récemment : « Supposer que les animaux sont d’abord apparus dans l’imaginaire humain sous forme de viande, de cuir ou de corne, c’est projeter une attitude du XIXe siècle des millénaires en arrière. Les animaux ont d’abord pénétré dans l’imaginaire comme des messagers et des augures. » Pourtant,

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« l’absence de langage commun, le silence de l’animal, écrit Berger, garantissent sa distance, sa différence, son exclusion par l’homme ». Pour lui, ce n’est pas une coïncidence si les zoos (c’est-à-dire les endroits où l’on se rend pour entrer en contact avec le non-humain) sont apparus exactement au moment où la place des animaux a reculé dans la vie quotidienne, à l’ère du capitalisme industriel. Pourtant, le zoo, écrit Berger, « ne peut que décevoir », et ce parce que « vous regardez quelque chose qui a été rendu absolument marginal… L’espace [que les animaux] habitent est arti ciel. ».

Dans les peintures aux atmosphères vibrantes de Maude Maris, les animaux occupent un espace abstrait, arti ciel. Pourtant, ils ne sont pas marginaux, ou du moins pas plus que nous. Les forces décrites par Berger il y a plus d’un demi-siècle n’ont fait que continuer à aliéner les humains, à les rendre inutiles, à médiatiser et à monétiser notre expérience du monde. Pour beaucoup, le temps de travail

et de loisir se passe sur des écrans. Dans l’espace arti ciel de l’Internet, aucun type de contenu ne remporte plus de clics que les vidéos d’animaux. « Devrions-nous être gênés de regarder autant de videos d’animaux sur Instagram ? » m’a demandé Maude. Sont-ils un réconfort nostalgique, voire primordial, alors que nous naviguons dans notre propre aliénation ? Peut-être, mais la peinture pourrait l’être aussi. Et je n’ai pas l’intention d’y renoncer.

Robert Wiesenberger

Robert Wiesenberger est conservateur de projets contemporains au Clark Art Institute et professeur au Williams Graduate Program in the History of Art.
Il s’intéresse à l’art moderne et contemporain, au design et à l’architecture. De 2013 à 2018, il a été critique à la Yale School of Art, et de 2014 à 2016, conservateur aux Harvard Art Museums. Il est titulaire d’une licence d’histoire et d’allemand de l’Université de Chicago ainsi que d’un doctorat en histoire de l’art de l’université Columbia.